Article N° 8173

RÉGULATION - MÉDICAMENTS - OMS

Quand la régulation devient la clé de l’accès universel aux médicaments

Abderrahim Derraji - 25 août 2025 12:04
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) vient d’élargir sa liste des autorités de régulation qu’elle juge dignes de confiance. Le Canada, le Japon et le Royaume-Uni viennent s’ajouter aux 36 organismes déjà reconnus. Derrière ce qui pourrait paraître une simple formalité administrative se cache en réalité une décision éminemment politique : celle de faire de la confiance réglementaire un pilier de l’accès universel aux médicaments.

Malheureusement, 70 % des pays ne disposent pas encore d’un système de régulation suffisamment solide leur permettant d’évaluer correctement l’efficacité, la sécurité et la qualité des produits de santé. Cela se traduit par un retard d’accès aux traitements innovants, par la prolifération des médicaments falsifiés et par une dépendance aux décisions prises ailleurs. 

Pendant que les pays riches affinent leurs agences, la majorité des pays reste à la merci d’un marché global où les inégalités se traduisent par des pertes de vies humaines.

La reconnaissance par l’OMS n’est donc pas une médaille honorifique, mais plutôt une approche visant à réduire ces fractures. En permettant à des pays à revenu faible ou intermédiaire de s’appuyer sur les évaluations des agences reconnues, l’organisation mondiale propose une solution pragmatique consistant à mutualiser la rigueur là où elle existe pour compenser les failles là où les moyens font défaut. C’est une vision politique de la solidarité internationale qu’il ne faut nullement réduire à son volet technique.

Mais cette approche suscite aussi des interrogations. La confiance est-elle synonyme de dépendance ? Car si les pays sans moyens se contentent d’adosser leurs décisions à celles des grands régulateurs du Nord, ne risquent-ils pas de perdre leur souveraineté sanitaire ? L’OMS promet convergence et harmonisation. Mais l’histoire récente nous a appris que, dans le domaine du médicament, les rapports de force économiques font souvent la loi. Il serait naïf de penser que l’accès équitable aux produits médicaux se jouera uniquement sur le terrain technique. La reconnaissance des autorités est une condition nécessaire, mais non suffisante. Sans volonté politique, sans financements pérennes, sans accompagnement pour bâtir de vraies capacités locales, l’écart entre le Nord et le Sud persistera. La pandémie de Covid-19 en a été un exemple criant. Quand la demande mondiale en produits de santé a explosé, la solidarité a rapidement fait place à une bataille qui a privé un grand nombre de pays de vaccins et de traitements vitaux.

Cette initiative de l’OMS doit être saluée puisqu’elle introduit un langage clair : celui de la confiance comme bien public mondial. En reconnaissant officiellement certaines agences, l’OMS envoie un signal fort : l’accès à des médicaments sûrs et efficaces n’est pas une faveur mais un droit. Et la régulation, trop souvent perçue comme un obstacle bureaucratique, redevient un garant de justice sanitaire.

L’enjeu, désormais, est d’éviter que cette reconnaissance ne crée une hiérarchie implicite entre les pays « fiables » et les autres. La coopération doit être un tremplin vers l’autonomie, pas une camisole. Dans un monde où les menaces sanitaires circulent plus vite que jamais, la régulation n’est pas un luxe de technocrates, mais une arme de survie collective.

L’OMS a posé la première pierre. Aux États, maintenant, de transformer cette architecture de confiance en un édifice durable, équitable et réellement universel.

Source : PharmaNEWS